1927-1930 : La prise de conscience - la construction d’une échelle à poissons
Toutes ces raisons légitimaient « une passe ou échelle facilement franchissable par le poisson, qui lui éviterait de séjourner au pied du barrage et de se faire capturer dans le voisinage, serait d’un grand intérêt au point de vue du repeuplement ». Le type d’échelle préconisée est de type « amortisseurs » pour être établie sur le côté du mur rive droite du passelis.
L’opération nécessite l’accord du propriétaire. Masseys répond favorablement mais sous conditions en mai 1929. Mais l’administration n’est guère entreprenante à finaliser le dossier et ordonner le commencement des travaux. Le conservateur écrit alors au Directeur général des Eaux et Forêts : « le gave d’Oloron a été le plus beau fleuron de notre couronne en ce qui concerne les rivières à saumon en France. Et grâce à nos efforts, il devient le plus beau du monde entier. Il importe donc de construire au plus tôt, l’échelle à poissons ». En 1930, le conservateur reconnaît que la situation est complexe : le saumon parvenait à remonter comme l’attestent les frayères situées en amont ce qui tendait à prouver que l’installation d’une échelle était discutable. De plus, faciliter la remontée du saumon impliquait de faciliter celle du barbeau, « grand destructeur de frai de saumon » et qui avait la particularité de ne pas aller au-delà du barrage de Navarrenx.. Dans ce cas, il propose de « surseoir à la construction de l’échelle à Navarrenx » !, proposition qui sera en térinée puis que ce n’est qu’en 1935 que l’échelle fut construite.
Le 25 août 1934, un additif au projet initial prévoit de placer le seuil de l’échelle à 0,30 mètres au-dessus du seuil du passelis dans l’intention de faire écouler les graviers par la partie libre du passelis. Le passelis devait alors mesurer 7,80 m avec un mètre de hauteur d’eau à l’entrée.
En 1935, les frères Masseys demandent à ce que leur propriété soit délimitée sur le gave ce que l’administration des Ponts et Chaussées qui se déclara incompétente, préférant qu’une telle question soit jugée par un tribunal civil. Le 14 décembre 1936, le conservateur des Ponts et Chaussées fournit une réponse, en décembre 1936, d’une grande clarté (bien que nous n’ayons pas retrouvé la carte évoquée) qui situe l’ouvrage de Masseys dans un contexte juridique en pleine restructuration du fait des classements et déclassements :
« le gave d’Oloron est une rivière flottable déclassée mais maintenue dans le domaine public par décret du 28 décembre 1926 ; ceci dit, malgré l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité du domaine public fluvial, certains droits privatifs ont pu y être acquis en vertu de titres exceptionnels.
(…) l’arrêté préfectoral du 21 octobre 1813 fixe les limites du moulin et de ses dépendances :
- le bassin de Bérérenx qui est limité par la digue jusqu’au passe-eau (de B à C) puis par la ligne B-D qui va du passe-eau B au taillis de Vitou D, enfin par la terre de Laplace et par les écluses.
- Le corps de moulin qui va de B à G en passant par les points E et F
- Il y a lieu de noter qu’il est spécifié dans l’acte qu’il existe de C à B et de B à E un franc bord de 15 m.
Nous remarquerons que le long de la digue de A à C, il n’est pas fait mention de franc-bord ce qui à notre avis signifie que cette digue est sur le domaine public et constitue une servitude de prise d’eau (…) le droit de pêche ne lui appartient pas ». Il garderait néanmoins le droit de pêche sur le canal d’amenée qui, lui, ne relève pas de la réserve de pêche.
En 1944, la controverse sur le droit de pêche des frères Masseys reprend vivement à la suite d’un procès-verbal infligé par le brigadier Vital à l’encontre de Lafargue à la requête des frères Masseys. L’administration propose de faire marche arrière, en supprimant la réserve qui avait donc été créée.
En 1953, les frères Masseys sollicitent l’autorisation de faire des réparations au moulin et de porter le débit de la chute de 30 m3/sec alors que le débit dérivé actuel est de 10,900 m3/sec. Si les travaux sont effectués, l’augmentation de la puissance de l’usine n’aura lieu qu’en 19701971. En effet, au mois d’avril 1968, Masseys demanda l’autorisation d’installer de nouvelles turbines ; jusqu’alors, la minoterie était équipée de deux turbines Kaplan, l’une de 8000 l/sec l’autre de 5300 l/sec. Après avoir vérifié l’impact des nouvelles turbines sur le milieu, notamment pour ce qui concerne les tocans, le Préfet autorise par arrêté, la modification des ouvrages qui consistent notamment à remplacer les trois vannes par deux vannes de 2,50 m x 1,90 m.
En 1970, l’échelle subit des avaries suite à une crue : le radier de l’échelle subit un affouillement marqué qui oblige la pose de gabions.
Si l’administration tenta en vain de maintenir l’existence d’un passelis pour faciliter la remonte des salmonidés, la situation des salmonidés ne cessa d’empirer au cours des premières décennies du XXe siècle. En janvier 1927, l’inspecteur départemental des Eaux et Forêts soutient « la nécessité et l’urgence d’établir une réserve de pêche à Navarrenx ». Le conservateur lui répond que le décret du 15 décembre 1921 a exigé l’installation d’échelles à poissons sur les gaves du bassin de l’Adour nouvellement classés dans la catégorie visée au paragraphe 2 de l’Art. 1 de la Loi du 31 mai 1865.
Le conservateur précise que l’administration a force de loi mais que son application ne peut se faire qu’à ses frais ! C’est pourquoi elle commença par équiper en 1927, le barrage de Castetarbe avant de poursuivre par celui d’Orthez-Ville puis Navarrenx.
Les abus des pêcheurs et braconniers se multipliant, le ministre de l’Agriculture, tout en soulignant la nécessité de préserver la faune à hauteur du barrage de Navarrenx, manifeste son scepticisme, pour des raisons juridiques, quant à la réserve où aurait été interdite toute pêche pendant l’année entière que souhaitait créer le conservateur.
En mars 1929, le barrage est toujours équipé d’un passelis dans sa partie médiane ; cet ouvrage était maçonné, ménagé dans le corps de barrage et à peu près au milieu du fleuve. Il servait autrefois au « passage des tamis de bois (qui a totalement disparu sur le gave d’Oloron) ». L’administration présente alors un avant-projet d’échelle à poissons qu’elle justifie par le fait que l’on « voit des saumons au pied du barrage s’essayer pendant des journées à traverser la lame d’eau qui tombe du barrage (…) Cette circonstance est mise à profit par les pêcheurs qui capturent trop facilement le poisson (…) ». Un pêcheur abonde dans le sens de l’administration : dénonçant les conditions « lamentables dans lesquelles s’effectue la montée du saumon dans le gave d’Oloron », critiquant la digue de la minoterie Masseys qui forme un onstacle sérieux à la migration des saumons, il manifeste sa colère : « les saumons s’accumulent au pied de la digue en si grand nombre que même 100 mètres au-dessous, les pêcheurs les accrochent par les flancs, par le dos, même par la queue, au hasard du passage de leur ligne fortement plombée ». Il explique que la digue était pourvue d’une échelle qui, « bien que n’étant pas des plus parfaites, permettait à de nombreux saumons de remonter. Afin de leur offrir un passage plus facile, on a construit une deuxième échelle et fermé l’ancienne. Mais cette dernière était plus large d’environ 3 mètres alors que la nouvelle ne mesure qu’un peu plus d’un mètre s’avère totalement inefficace : les saumons ne s’aventurent plus dans la trombe d’eau qu’elle constitue ». Le conservateur prétendit même que certains pêcheurs se faisaient jusqu’à 30 000 francs par an de revenus annuels en vendant le saumon pêché à Navarrenx !